Les diplomates occidentaux craignent surtout que l’occasion soit bonne pour dénigrer le Japon et son rôle dans la Seconde Guerre Mondiale, ils ne veulent pas se confronter à Vladimir Poutine qui sera certainement présent, et sont gênés par une parade militaire qui aura lieu Place Tiananmen (天安門廣場), lieu de la répression sanglante de 1989.
Photo: des soldats japonais emportant des civils à Nanjing (Nankin 南京) en 1937 – archives Xinhua.
HONG KONG 香港 – Le Président Xi Jinping (习近平) essaie de toutes ses forces de rassembler le maximum de dignitaires étrangers à Pékin (北京) pour le 70è anniversaire de la fin de la Seconde Guerre Mondiale cet été, et la victoire des alliés sur l’autoritarisme nippon en Asie, cependant, il se murmure dans beaucoup de chancelleries, que le Président Xi pourrait être bien seul sur l’estrade.
Les diplomates occidentaux sont effrayés déjà à l’idée que Pékin pourrait utiliser cette occasion pour faire de l’antijaponais primaire, le Japon impérialiste des années 30 ayant occupé pendant 8 ans une bonne partie de la Chine jusqu’en 1945. Une autre source d’inquiétude: le fait de voir une parade militaire en grandes pompes sur le lieu même de la répression sanglante des étudiants en 1989, la Place Tiananmen (天安門廣場). Enfin, beaucoup de diplomates n’ont pas trop envie de croiser le Président russe, Vladimir Poutine, qui sera immanquablement présent. C’est un groupe de délégués des chancelleries étrangères à Pékin qui l’a indiqué à la presse ce mercredi.
La commémoration qui devrait avoir lieu début Septembre est largement couverte par les médias chinois depuis quelques semaines, et sera l’un des rendez-vous importants du Président Xi, cette année. Une faible participation étrangère pourrait par contre le contrarier, alors qu’il lance actuellement la Banque Asiatique d’Investissement (AIIB 亞洲基礎設施投資銀行), et que la Chine devient un partenaire commercial et économique incontournable pour le reste du monde. La Chine marque traditionnellement l’anniversaire de la fin de la guerre de manière plutôt discrète.
Le Ministère des Affaires Etrangères de Pékin n’a pas explicitement indiqué qui avait été invité, même si il apparaît clair que le Japon a reçu une invitation officielle. Le Chef de Cabinet du Secrétariat du Gouvernement japonais, Yoshihide Suga, a indiqué récemment que Tokyo n’avait pas encore décidé si le pays participerait ou pas. La Grande Bretagne et la France, ont indiqué qu’il était trop tôt pour prendre une décision, et les Etats-Unis ont répondu qu’aucune invitation officielle n’avait été publiée. Le gouvernement allemand, a précisé pour sa part que la Chancelière Angela Merkel, n’avait pas reçu d’invitation pour le moment.
Les relations sino-japonaises sont en bernes depuis quelques années, du fait de divers dossiers ennuyeux: les visites répétées chaque année par le Premier Ministre japonais du Mémorial de Yasukuni à Tokyo, où sont enterrés des militaires japonais considérés à Pékin comme criminels de guerre, mais aussi les batailles autour de petites îles que chacun réclame, comme les îles Diaoyu (尖閣諸島), font qu’en Chine, le Japon est vu comme un pays retrouvant des velléités nationalistes depuis quelques années.
Le Premier Ministre Shinzo Abe a cependant indiqué qu’il ferait un discours de remords sincère à propos du comportement du Japon entre 1932 et 1945 en Asie, à l’occasion de cet anniversaire spécial.
« Si l’objectif de la commémoration est d’accuser de tous les maux le Japon, cela va mettre mal à l’aise beaucoup d’invités », a précisé un diplomate connaissant les premiers projets des activités prévues ce jour-là à Pékin, notamment la gigantesque parade militaire.
Lors d’une conférence de presse, à la question si Pékin serait affectée par la défection d’une majorité de nations occidentales à l’évènement, la porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères chinois, Hua Chunying (华春莹), a sèchement indiqué: « cette façon de penser est tout à fait irrationnelle ».
Le porte-parole du Ministère de la défense, Geng Yansheng (耿雁生), a pour sa part précisé la semaine passée que la Chine allait inviter des militaires de tous les pays alliés durant la guerre, pour réaliser ensemble la parade militaire, qui se « tiendra vraisemblement » à Tiananmen. Le Président Xi devrait par ailleurs passer en revue les troupes.
Le Président russe Vladimir Poutine, qui a mis en colère les Etats-Unis et l’Europe, suite à son annexion l’an passée de la Crimée, et son intervention pour soutenir la rébellion en Ukraine, doit justement visiter la Chine en Septembre, visiblement pour participer à cette commémoration.
Depuis quelques temps, cependant le Président Xi est sur tous les fronts diplomatiques. Il a tenté de montré le côté conciliant de la Chine lors de l’APEC en Novembre dernier, où il a mené des discussions avec le Japon et les Philippines sur les îles disputées; son gouvernement est aussi un important financier avec des prêts à ses voisins dans le besoin.
La AIIB que lance actuellement la Chine a été suivie pour le moment par de nombreux pays asiatiques et européens, alors que les Etats-Unis avaient demandé à ses alliés de ne pas y prendre part.
Pékin rate rarement l’occasion de rappeler le rôle du Japon durant la Guerre et a déjà réponse à toutes les critiques qui pourraient fuser alors que la date anniversaire approche. « La Chine et les Etats-Unis ont toujours été alliés dans la lutte contre le fascisme », a rappelé l’ambassadeur de Chine aux Etats-Unis, Cui Tiankai (崔天凯), récemment, sans toutefois rappeler que l’allié des Etats-Unis durant la Seconde Guerre, c’était le gouvernement de République de Chine (ROC 中華民國), aujourd’hui exilé à Taiwan, et non le gouvernement de République Populaire de Chine (PRC 中华人民共和国); ce n’est apparemment qu’un « détail de l’histoire » •
Anthony Lam 林振誠 | |
Correspondant à Hong Kong | |
anthony.lam[at]taipeisoir.net | |