L’ex souverain du Cambodge, Norodom Sihanouk, qui a vécu personnellement l’histoire agitée de son pays, où il était resté une figure respectée, est mort ce lundi à Pékin à l’âge de 89 ans.
Photo: le roi Norodom Sihanouk et la reine Monineath en 2003 (AFP).
PÉKIN – Le Roi Sihanouk, qui fut le premier à visiter la Chine où il recevait ses traitements médicaux, est mort ce lundi matin d’une attaque cardiaque, selon son assistant de toujours, le Prince Sisowath Thomico. « Il a été transporté à l’hôpital où il est mort quelques heures après ». L’ancien monarque avait quitté le trône du Cambodge en octobre 2004, citant son grand âge et ses problèmes de santé. « C’est douloureux, je suis très triste (…) le Roi Sihanouk n’appartenait pas qu’à ma famille, il appartenait au Cambodge, à son peuple et à son histoire » a indiqué le Prince Thomico. Le Roi Sihanouk qui vivait à Pékin depuis janvier, aurait eu 90 ans le 31 octobre prochain.
« Le gouvernement royal du Cambodge va faire rapatrier son corps depuis la République Populaire de Chine (PRC 中华人民共和国) à Phnom Penh, pour organiser des funérailles au Palais Royal, selon les traditions du pays », a indiqué une annonce gouvernementale lue ce matin à la télévision cambodgienne. Le Roi Sihanouk s’est battu dans ses dernières années avec des problèmes de santé, dont un cancer, le diabète, l’hypertension et des problèmes cardiaques. Malgré son abdication en faveur de son fils, Sihamoni, l’ancien monarque est resté extrêmement populaire dans son pays. Son portrait est toujours accroché dans de nombreuses administrations, et dans beaucoup de maisons cambodgiennes.
Le Roi Sihanouk continuait de communiquer avec le monde extérieur grâce à son site Internet. Dans un message en janvier dernier, il écrivait qu’il espérait être incinéré lors de son décès, puis ses cendres placées dans une simple urne, au cœur du Palais Royal, revenant sur son premier choix qui avait été de vouloir être enterré.
Le Cambodge s’est réveillé ce matin avec l’annonce de la mort de l’ancien monarque, le dernier jour du festival annuel de souvenir des ancêtres, connu sous le nom de Pchum Ben, où beaucoup de cambogiens quittent Phnom Penh pour passer du temps avec leur famille dans les campagnes alentours. Le Prince Thomico a indiqué qu’il pensait que le Cambodge verrait une signification dans la mort du Roi Sihanouk le dernier jour de cet évènement important.
Son fils, le roi Sihamoni, et le Premier ministre Hun Sen ont quitté Phnom Penh pour la Chine en début de journée. Les deux hommes se sont étreints sur le tarmac de l’aéroport en versant quelques larmes, avec en arrière-fond des drapeaux du royaume en berne. Pékin a déploré pour sa part la perte d’un « grand ami », dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Le vice-Président chinois Xi Jinping (习近平) a exprimé sa tristesse à l’annonce de la mort du Roi Sihanouk, rendant hommage à un « vieil ami du peuple chinois » •
En savoir plus sur le Roi Norodom Sihanouk
(Source: Wikipedia)
En mars 1945, l’Empire du Japon prend le contrôle de l’Indochine, détruisant l’administration coloniale française. Pressé par les Japonais, Norodom Sihanouk proclame l’indépendance du Cambodge, mais sans s’avancer dans la collaboration avec le Japon. Le monarque prend alors goût à la politique et dirige même pendant un mois, le gouvernement en 1950. Il reviendra à la tête du gouvernement en juin 1952 et se donnera trois ans pour obtenir une indépendance totale. Il va lancer sa « campagne royale pour l’indépendance ». En 1953, il vient en France, puis se rend au Canada et aux États-Unis, s’exile en Thaïlande pour faire pression sur Paris avant de rentrer triomphalement chez lui en novembre.
Dès lors, le pouvoir appartient à Sihanouk. Il lance un mouvement – il insiste pour qu’on ne l’appelle pas « parti » -, le Sangkum Reastr Niyum, la communauté socialiste populaire. En mars 1955, Sihanouk accomplit un geste peu banal : il abandonne sa couronne au profit de son père, Norodom Suramarit pour pouvoir mieux se consacrer à la politique. En 1960, à la mort de son père, il ne reprend pas sa place de roi. Il prend le titre de chef de l’État et laisse le trône vacant, l’institution monarchique étant incarnée dans la personne de la reine mère Kossamak.
Au début des années 1960, il se rapproche des pays de l’Est et le Cambodge accueille alors plus de mille experts soviétiques. Il permet aussi à quarante mille soldats nord-vietnamiens et vietcong de s’installer dans son pays. De fait, sous couvert d’une neutralité officielle, il apporte son soutien au camp communiste, ce qui correspond à une déclaration de guerre contre les Américains. Plus tard, il expliquera qu’il avait fait cette alliance pour sauver sa monarchie et museler les communistes cambodgiens.
Sa police continue à pourchasser les communistes khmers qu’il qualifie de « rouges » et qu’il accuse de conspirer contre lui. En 1967, il déclare se moquer de la Constitution et des lois du royaume, et il fait exécuter sans jugement des centaines de Khmers. À la fin des années 1960, il entreprend un rapprochement avec les Chinois exprimant sa vénération pour Zhou Enlai (周恩来) et Mao Zedong (毛泽东), qui savait le flatter en lui disant que s’il était chinois, il serait l’empereur de Chine. En août 1966, il reçoit à Phnom-Penh le général de Gaulle, président de la République française, qui y prononce un discours clairement hostile à l’intervention américaine au Vietnam. Au Cambodge même, de nombreux scandales financiers touchent la famille royale et une partie de la population commence à se fatiguer de ses facéties et de ses caprices. Une opposition se fait jour et le 6 janvier 1970, il se rend en France à Grasse, officiellement pour des problèmes neuro-psychologiques.
Le 18 mars 1970, alors que Sihanouk est en visite en URSS, le général Lon Nol, chef du gouvernement, le renverse. Immédiatement, le roi part à Pékin pour fonder un gouvernement en exil, le Gouvernement royal d’union nationale du Kampuchéa, et se range du côté du Nord Viêt-Nam espérant du gouvernement de Hanoï de l’aide militaire pour lutter contre le gouvernement dissident du Cambodge. Le 23 mars 1970, il devient président du Front uni national du Kampuchéa et en avril, à Canton, il est l’initiateur de la conférence au sommet des peuples indochinois regroupant le Premier ministre nord-vietnamien Pham Van Dong, le président du Front national de libération du Sud-Vietnam Nguyen Huu Tho et le président Souphanouvong du Neo Lao Haksat.
Le 17 avril 1975 : l’Armée populaire de libération nationale du FUNC remporte la victoire militaire. Le Kampuchea démocratique est fondé et Norodom Sihanouk en devient le président. Cependant, en avril 1976, il démissionne et est détenu en résidence surveillée. En 1979, à la chute des Khmers rouges, il fuit le Cambodge avant l’invasion vietnamienne et trouve refuge en Corée du Nord. En 1981, il crée le FUNCINPEC qui intègre en 1982 un gouvernement de coalition en exil mais reconnu par la communauté internationale, regroupant les différents partis politiques dont les Khmers rouges et le FLNPK (parti républicain de Son Sann). Son rôle est alors essentiellement honorifique, le prince restant en exil à Pékin. Il se considère alors chef de la Résistance nationale du Cambodge (contre l’État du Cambodge) et président du Kampuchea démocratique, État qui en fait n’existe plus, mais est reconnu par la communauté internationale. Le 17 juillet 1991, Sihanouk quitte la présidence du Kampuchéa démocratique et de la R.N.C. pour se placer au-dessus des factions et partis politiques cambodgiens. Les 11 membres du Conseil national suprême du Cambodge l’élisent président.
Grâce aux accords de Paris sur le Cambodge de 1991, le pays se dote d’une nouvelle constitution, celle d’une monarchie constitutionnelle. Sihanouk retrouve en 1993 son titre de roi. Il abdique en octobre 2004, pour des raisons de santé. Il souffre d’un lymphome depuis 1993. Pour se soigner, il fait de longs séjours à Pyongyang (Corée du Nord) puis à Pékin. Il laisse le trône à son avant-dernier fils, Norodom Sihamoni et prend alors le titre de Roi-Père. Ses activités de monarque, bien que réduites à quelques rares apparitions publiques, continuent au moins jusqu’en 2010. Il vit à Siem Reap ou à Phnom Penh quand il est au Cambodge, mais fait de longs séjours à Pékin pour se faire soigner.