Un chanteur sud-coréen rondouillard, inconnu hors de ses frontières jusqu’à cet été, est devenu aujourd’hui une vedette planétaire, dont la vidéo est depuis ce week-end la plus regardée de l’histoire de YouTube.
Photo: le chanteur sud-coréen Psy connaît un succès fulgurant sur le Web grâce à la vidéo loufoque de sa chanson ‘Gangnam style’ (REUTERS).
SÉOUL (Agences) – ‘Gangnam Style’, le clip de Psy, avait été vu dimanche matin plus de 812 millions de fois. La veille, la plate-forme de diffusion de vidéo YouTube a annoncé officiellement que ‘Gangnam Style’ avait détrôné «Baby» du Canadien Justin Bieber, idole des adolescentes, qui occupait la première place depuis juillet 2010. Le site du magazine professionnel dédié à la musique, Billboard.com, note que le clip de Psy a dépassé les 800 millions de vues en quatre mois. Il avait fallu deux ans à ‘Baby’ pour y arriver. « C’est un véritable phénomène culturel pop », souligne le magazine.
Pour YouTube, « c’est un tube massif, à un niveau mondial, comme nous n’en avons jamais vu auparavant ». Sorti mi-juillet en Corée, le clip déjanté du chanteur potelé de 34 ans, dans lequel il mime une danse du cheval invisible, a fait le tour de la planète. Malgré des paroles en sud-coréen, ses pas de danse et le rythme diabolique de sa mélodie ont séduit au-delà des frontières le grand public comme les célébrités et les grands de ce monde, de son compatriote Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, au maire de Londres Boris Johnson, en passant par le président Barack Obama.
Son clip, qui parodie la vie des riches oisifs du quartier chic de Séoul, Gangnam, a été imité et détourné par les élèves du très select pensionnat britannique d’Eton, les étudiants du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) et quantité de groupes d’anonymes. L’artiste chinois dissident Ai Weiwei en a fait un manifeste pour la liberté d’expression –immédiatement retiré de la toile en Chine–. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées à Rome, Paris ou Milan pour des ‘flashmobs’, des mobilisations qui voient la foule imiter les pas de danse de Psy le temps de quelques minutes.
En Corée du Sud, le succès de Psy est considéré avec un mélange de fierté et de perplexité. Psy, qui chante depuis une dizaine d’années, n’appartient pas au mouvement K-Pop, la pop sud-coréenne peuplée de chanteurs de boys band à la beauté lisse et au style parfaitement calibré par les maisons de production. Les ritournelles sentimentales constituent le gros de leur répertoire. La K-Pop est un phénomène dans toute l’Asie et compte un début de public en Europe et aux États-Unis. Mais aucun groupe n’est parvenu à séduire comme Gangnam en Occident.
« Psy est à l’opposé des vedettes typiques de la K-Pop, qui sont très soignées et dont chaque geste est décidé par leur agent », déclare à l’AFP Kang Hun, un critique musical de Corée du Sud. Et surtout, l’humour, notamment satirique, est totalement absent de la scène pop grand public sud-coréenne. Psy est réputé dans son pays pour ses performances sur scène et sa personnalité légèrement en marge d’une société sud-coréenne très normative. Il a été condamné pour consommation de marijuana et des dizaines de ses chansons et vidéos ont été interdites aux moins de 18 ans par la censure sourcilleuse du pays, qui jugeait les paroles et les images sexuellement explicites, ou grossières.
Psy a dû également refaire en 2007 une partie de son service militaire –obligatoire en Corée du Sud–, pour avoir continué ses activités de chanteur lors des deux années passées sous les drapeaux. « Les chansons de Psy comportent depuis longtemps des éléments +en roue libre+, drôles et parfois provocateurs, qui sont totalement absents de la pop sud-coréenne », ajoute Kang Hun. « Gangnam Style est l’apogée de ce style qui ne se prend pas au sérieux. Et apparemment, beaucoup de gens à travers le monde partagent cet humour ». Reste à savoir si ce tube ne sera qu’un feu de paille. Le chanteur doit sortir un album, en anglais et coréen, début 2013, qui sera distribué à l’international •