Alors que la tension augmente entre Taipei et Manille, il nous est paru intéressant de nous pencher sur ce qu’en disait la presse philippine. Un éditorial paru dans l’édition de ce mercredi du « Manila Standard Today » résume bien l’état d’esprit dans lequel se trouve la presse philippine. Rappelons que nous publions ici in extenso, l’article publié dans ce quotidien, sans modification. Le Manila Standard Today est relativement conservateur, et très ancré anti-gouvernemental actuellement, ce qui explique sa prise de position stricte. Reste qu’une majorité de la presse philippine, actuellement, considère que les Philippines étaient en état de légitime défense dans cette affaire, et que des excuses ne sont pas nécessaires.
Dessin: Manila Standard Today
MANILLE – L’incident survenu au large des Batanes le 9 Mai dernier, dans lequel un pêcheur taïwanais a été tué par des garde-côtes philippins a presque été perdu dans la fièvre électorale de mi-mandat des élections de ce 13 Mai.
Taipei veut que Manille s’excuse, paie des compensations financières à la famille de la victime, et traduise devant la justice le garde-côte responsable du tir.
Tout cela parce que le garde-côte n’a fait que protéger nos eaux territoriales contre le Kuang Ta Hsing, le bateau taïwanais, qui a tenté de s’échapper devant le vaisseau officiel alors qu’il y pêchait illégalement.
Après tout le garde-côte devrait au contraire être décoré pour avoir défendu la souveraineté philippine contre les intrus. Ce n’est pas la première fois que des pêcheurs taïwanais sont pris la main dans le sac dans les eaux philippines. C’était par contre, la première fois, que le personnel naval philippin ouvrait le feu.
Cet incident au large de Batanes, survenait moins d’un mois après qu’un bateau chinois ait été arrêté par les garde-côtes philippins dans les eaux occidentales près de Palawan. Ce qui fait penser que Taiwan joue le jeu de la Chine en organisant une surveillance de nos côtes.
Taiwan est-elle une province renégate désirant l’indépendance face à la Chine, ou au contraire, désormais un pion de la Chine dans les eaux de Chine du Sud, disputées ? Taiwan réclame en son nom les îles Paracel, qui sont aussi réclamées par la Chine et le Vietnam, et a aussi une revendication sur les Diaoyu/Senkaku, réclamées par la Chine et le Japon.
Il est à noter que la guerre de mots existante entre Pékin et Taipei n’est plus aussi stridente que par le passé, au temps de la Guerre Froide. Les relations apaisées entre Pékin et Taipei ont commencé avec le nouveau gouvernement en 2008. Cependant, Taiwan reste membre du parapluie protecteur de la stratégie défensive des Etats-Unis, la province « renégate » d’autrefois investi également énormément de l’autre côté, sur le Continent.
Lors d’une visite de journalistes philippins à Xiamen, les officiels de l’investissement et du commerce chinois, eux-mêmes, ont indiqué que Taiwan était le plus gros investisseur en Chine. En 2006, les relations inter-détroit ont augmenté de 46% à 2,8 milliards de dollars américains, notamment dans les compagnies chinoises de télécommunications, et des entreprises de fabrication technologique.
Le représentant du Bureau Economique et Culturel de Manille à Taipei, Antonio Basilio, qui est l’ambassadeur de facto du pays à Taipei, s’est excusé auprès du gouvernement de Taiwan à propos de cet incident aux larges des Batanes. Du fait de la politique d’une « Seule Chine », suivie par Manille, ce que nous avons à Taipei n’est pas une ambassade, mais le MECO, qui représente les intérêts des Philippines à Taiwan. Il a un homologue, ici à Manille, le TECO (Le Bureau Economique et Culturel de Taipei).
Basilio n’avait pas à s’excuser auprès des officiels taïwanais. La loi internationale est clairement de notre côté, et les garde-côtes ont agi en état de légitime défense. Au mieux, il devait exprimer des regrets. Une excuse, en terme diplomatique indique qu’il y a eu une faute. Mais sûrement que Basilio en a reçu l’ordre de la part de notre Département des Affaires Etrangères, agissant sous les ordres du Palais de Malacañang (le palais présidentiel de Manille: Ndlr), en soumission passive.
Pauvre Tony Basilio. Il a dû être le messager d’une excuse ordonnée par le Président Aquino, ou le Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères Albert del Rosario, un message qui passe mal auprès du public philippin.
Taiwan menace les Philippines de sanctions économiques, dont le bannissement de l’entrée des travailleurs philippins. Alors que cela pourrait heurter certaines familles de migrants, cette exclusion de travailleurs filipino pourrait aussi affecter gravement le fonctionnement des usines à Taiwan. Les taïwanais n’acceptent plus de travaux mal payés, alors que les philippins, qui ne trouvent rien ici, sont prêts à tout accepter.
Le nombre de travailleurs filipino à Taiwan est d’environ 85 000, c’est le troisième groupe ethnique derrière les indonésiens, et les vietnamiens.
Dans le passé, Taipei avait déjà menacé des mêmes sanctions au lendemain d’une fusillade sanglante contre un bus pris en otage à Manille, dans lequel se trouvaient des touristes chinois, hongkongais et taïwanais. Taipei avait laissé tomber après la médiation menée par un homme d’affaire sino-philippin.
Alors que le gouvernement de Manille ne s’excusera pas officiellement, le capitaine et le marin responsable du coup de feu mortel ont été relevés de leurs fonctions, une enquête est en cours, et des mesures seront mises en place pour qu’un tel incident ne se reproduise pas.
Taiwan, cependant, malgré tout cela, ne semble pas apaisée, et continue de penser au rappel de son représentant au TECO, et arrêter la fourniture de visas aux Philippins désirant travailler dans l’état insulaire prospère •