Cela arrive tellement souvent à Shenzhen que ça en devient commun: un nouveau né retrouvé abandonné dans la rue par sa mère qui n’en voulait pas. Parfois l’enfant est bien couvert, parfois c’est dans des toilettes ou dans des poubelles. Parfois on le découvre mort.
Photo: le point d’abandon ouvert à Xian la semaine dernière (Xinhua).
SHENZHEN – La mère est souvent encore une fille, migrante, travaillant dans une usine misérable. Elle a été attirée aux portes de Hong Kong par des promesses, et finalement, ces jeunes femmes célibataires sont suffisamment désespérées pour abandonner l’enfant, fruit d’un amour passager ou parfois pire, d’un viol.
L’an prochain, le destin de ces enfants non-voulus va être un peu plus sécurisé. La ville va ouvrir un point d’abandon, où les mères ou même les couples pourront laisser leur enfant sans avoir peur que l’on révèle leur identité. Le projet a créé une controverse, avec certains déclarant que cela allait mener à un nombre plus important d’enfants abandonnés.
D’autres villes ont commencé le même genre de programme. La semaine dernière, Xian, la capitale de la province du Shaanxi, a lancé également un centre d’abandon pour les bébés. Ces centres copies des idées déjà réalisées dans d’autres pays.
Un sondage publié par le portail d’informations officielles de la ville de Shenzhen, indique que 35% des 1 348 personnes interrogées encourageraient les parents d’enfants non-désirés à les abandonner, alors que 17% s’y opposent.
L’abri va être équipé d’une couveuse, d’un berceau, de l’air climatisé et d’équipements de premiers secours. Il se situera près du Centre d’Aide Sociale de Shenzhen qui s’est occupé des 3 500 enfants abandonnés dans la ville depuis 1992. 90 bébés ont été abandonnés pour le moment cette année.
Il n’y aura pas de caméra de surveillance dans la cabine, ni de personnel, pour assurer la discrétion. La mère abandonnant l’enfant aura juste à presser un bouton et à s’en aller. L’équipe médicale viendra alors collecter l’enfant. Le journaliste David Xiao, qui a déjà interrogé des femmes qui ont abandonné, et même tué, leurs enfants, a accueilli cette décision avec bienveillance.
« Que cet endroit existe ou pas, des enfants sont abandonnés. Au moins, maintenant cet endroit sécurisé sera accueillant pour ces petits êtres qui pourront alors avoir une seconde chance, tout comme leurs mamans », a-t-il indiqué.
M.Xiao a précisé que couvrir ces affaires d’enfants abandonnés lui ont laissé des cauchemars. « Je n’arrive pas à oublier ces enfants. Ils ressemblent à des petits anges, et sont jetés comme des ordures. Leurs mères sont souvent des migrantes, sans grande éducation, ni argent. La plupart sont encore des jeunes filles. Elles accouchent seules dans des toilettes ou des escaliers, et s’en vont, en laissant le bébé sur place, parfois encore en vie, parfois étranglé ».
Selon un sondage réalisé par le Planning familiale du Guangdong en 2011, la moitié des jeunes filles migrantes ont des relations sexuelles hors mariage. La moitié sont tombées enceintes au moins une fois. Les femmes célibataires peuvent être poursuivies par la justice, du fait qu’avoir un enfant hors mariage est puni par la loi en Chine.
Si le papa les abandonne, l’abandon ou le meurtre du bébé est le résultat le plus fréquent. Dans le district de Baoan, à Shenzhen, au moins 10 femmes célibataires, migrantes, entre 16 et 23 ans ont été condamnées depuis 2009 pour avoir tué leur bébé.
Xiao Hongxia, fondatrice de Modern Female Workers, une ONG qui aide les migrantes de la ville, s’est également déclarée satisfaite de cette ouverture, afin d’éviter des tragédies dans le futur. « Il a plus de 5 millions de migrantes à Shenzhen. La plupart sont nées à la fin des années 80, mais le gouvernement ne prend pas soin d’elles, et ne leur apprend même pas à se protéger quand elles ont des relations sexuelles », indique-t-elle.
« La boite à bébé » sera ouverte début janvier •
Anthony Lam 林振誠 | |
Correspondant à Hong Kong | |
anthony.lam[at]taipeisoir.net | |